Le Musée des Tatras, placé sous le patronage du docteur Tytus Chałubiński, est l’un des plus anciens musées régionaux en Pologne. Son instauration trouve sa source dans la réalisation de deux idées nées de l’esprit positiviste : célébrer les mérites scientifiques et sociaux de Tytus Chałubiński et en même temps vulgariser les acquis du savoir sur les Tatras et la fascination romantique pour les Tatras. Dans les années quatre-vingts du 19e siècle, l’idée de la fondation d’un vrai musée, en hommage au docteur Tytus Chałubiński, naquit parmi ses amis et admirateurs.
Initiateur de la fondation du Musée, Adolf Scholtze, industriel de Varsovie, chimiste de formation et naturaliste par passion, entreprit d’organiser l’établissement dès 1886. Parmi ses amis médecins et naturalistes, il rassembla un groupe d’habitués de Zakopane, intéressés par ce qui se passait au pied du mont Giewont, et les persuada de financer la construction du Musée et l’achat d’une collection de faune naturelle complète, celle d’Antoni Kocyan, alors forestier à Zuberec. Durant l’été 1888, Kocyan apporta ses collections à Zakopane. La première collection achetée pour le Musée comprenait 351 oiseaux, 54 mammifères, une dizaine de nids et d’œufs et aussi des squelettes de poissons et de batraciens. A la même époque, Adolf Scholtze et le naturaliste Antoni Ślósarski arrivèrent à Zakopane et apportèrent un don de Tytus Chałubiński : sa collection de mousses des Tatras, son herbier des plantes vasculaires et quelques dizaines de minéraux.
Le Musée s’ouvrit au public en juillet 1889. Dans les petites pièces de la maison de Krzeptowski (qui n’existe plus aujourd’hui), dans la rue Krupówki, furent exposées les collections d’histoire naturelle de Kocyan et de Chałubiński ainsi qu’une assez large collection géologique des Tatras et un herbier réunissant environ 900 espèces de plantes. La première collection ethnographique comprenait 57 objets des alentours de Czorsztyn, offerts par Stanisław Drohojowski. En complément, il y avait 279 livres et cartes, germe de la future bibliothèque.
Le premier bâtiment dont le Musée était propriétaire fut érigé en 1892. Il constitua un mélange de style suisse, très en vogue alors à Zakopane et dans d’autres stations climatiques, et de motifs du Podhale et en 1894 on rajouta une tourelle météorologique en style de Zakopane.
En 1906, Stanisław Witkiewicz écrivait dans son essai Po latach [Après des années] que, jusqu’alors, l’activité du Musée s’appuyait sur le travail désintéressé de particuliers. Il appréciait le rôle du Musée pour la culture et proposait la construction d’un nouveau bâtiment, tout en esquissant une vision du Musée dans son nouveau siège comme institution scientifique à l’épanouissement rapide, dont l’existence et le développement devraient être assurés par les autorités nationales. Witkiewicz n’était pas seul à défendre ces convictions. D’autres membres de l’Association du Musée des Tatras les partageaient, et c’est probablement pour cette raison que le Conseil de l’Association, hésitant jusque-là, décida de commander le projet d’un nouveau siège.
On demanda à Stanisław Witkiewicz de faire un projet de façade “en style de construction local” et on chargea l’architecte Eugeniusz Wesołowski d’en établir le projet technique et le devis. En août 1908, le projet fut prêt, mais le coût élevé de la construction entraîna son ajournement jusqu’au moment où les fonds seraient trouvés.
En 1913, grâce à l’attitude énergique du nouveau président de l’Association du Musée des Tatras, le docteur Kazimierz Dłuski, et de sa femme Bronisława (sœur de Maria Curie-Skłodowska), la décision définitive fut prise de construire un édifice en briques sur la parcelle de la rue Krupówki au centre de la station climatique . Witkiewicz fit de nouveaux dessins de façades, l’architecte Franciszek Mączyński fut l’auteur des projets techniques.
La construction qui progressait rapidement fut arrêtée par le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Ce n’est qu’après la fin de celle-ci que les travaux reprirent et avancèrent rapidement grâce aux dons venant de Pologne et de l’étranger et à la générosité de nombreuses personnes. L’Association lança en 1921 un concours pour le poste de directeur du Musée. Il fut attribué à Juliusz Zborowski, linguiste, admirateur et connaisseur du dialecte et de la culture du Podhale, en relation avec le Musée depuis 1918. En même temps, on le chargea du département ethnographique. En juillet 1922 eurent lieu la bénédiction solennelle et l’ouverture du Musée. Le public put visiter l’intérieur du chalet montagnard au rez-de-chaussée. La pièce “noire”, la “blanche”, le vestibule et d’autres salles d’exposition furent minutieusement aménagés avec les objets précieux. Juliusz Zborowski, qui dirigea le Musée jusqu’à sa mort en 1965, réussit, malgré de nombreuses difficultés, à en faire un musée régional modèle et l’endroit où se concentrait le mouvement scientifique en rapport avec les Tatras et le Podhale.
Au début de la Seconde Guerre mondiale l’activité du Musée fut freinée. Au début de 1940, le musée fut reconnu par les autorités allemandes établissement national sous le nom de “Staatliches Tatra Museum”. Cela ne signifiait pas qu’il devint privilégié. Au contraire, Zborowski, maintenu à son poste de directeur, rencontra de nombreux problèmes pendant toute l’occupation, tout comme la majorité des Polonais. Mais, malgré tous les entraves, il rassembla à cette époque une large documentation très précieuse, parmi laquelle des articles de presse conspiratrice et tous les imprimés faits à l’imprimerie “Polonia” de Jan Trybuła (annonces et ordres de l’occupant, publications allemandes sur Zakopane, les Tatras et le Podhale) . Juliusz Zborowski n’appartenait à aucune organisation clandestine, mais il aida de nombreuses personnes.
Cinq ans après la Seconde Guerre mondiale, en janvier 1950, le Musée fut nationalisé. La passation de l’établissement sous le contrôle de l’état signifiait un budget fixe et un élargissement du personnel. La période d’après-guerre peut être définie comme concentrée sur le travail strictement muséal – acquisition, étude et diffusion des collections et protection des monuments.
Juliusz Zborowski mena, pendant toute la période de sa direction du Musée, des recherches scientifiques intenses, dont il exposa les résultats dans de nombreuses publications. Il réalisa aussi ses propres recherches sur le dialecte du Podhale et rassembla des matériaux concernant des sujets variés. Il créa une méthode de travail remarquable et construisit pendant de longues années la bibliothèque et les archives du Musée. C’est lui qui développa le Musée en tant qu’établissement régional et scientifique, en définit le profil des collections, la direction des travaux scientifiques et éditoriaux et les projets de développement. Mort en 1965, il fut enterré au cimetière des personnes de grand mérite à Zakopane.
Depuis 1991, Teresa Jabłońska, historienne d’art et ancienne responsable du département de la protection des monuments, est directrice du Musée. En 1993, on acheva la rénovation de “Koliba” et on y ouvrit le Musée du Style de Zakopane. L’Association du Musée des Tatras fut réactivée en 1993. Tout comme son prédécesseur, l’Association se fixa pour but de mener des activités culturelles et d’aider le Musée à réaliser ses objectifs statutaires. Dans la nouvelle situation qui s’instaura après les changements de 1989 en Pologne, le financement du Musée par des fondations et des sponsors, à côté du budget national, est devenu possible. Dès lors, ses activités scientifiques et éditoriales et les expositions peuvent se développer plus librement qu’avant. Depuis les années années quatre-vingt-dix, à côté du travail muséal quotidien, le Musée réalise de grandes expositions, comme l’exposition monographique des créations de Stanisław Witkiewicz ou celle présentant l’ancienne peinture sur verre “Peintures sur verre des 18e et 19e siècles dans la collection du Musée des Tatras”, des expositions consacrées aux anciennes photographies des Tatras et de Zakopane Patrzę w Tatry… [Je regarde les Tatras…], et celles préparées en coopération avec d’autres musées : Tadeusz Brzozowski – Peintures, Entre le Mont Giewont et le Mont Parnasse, Sous l’inspiration de l’art populaire du Podhale, Joyaux du patrimoine de la famille Dzieduszycki, Rafał Malczewski et le mythe de Zakopane, Le Vent Halny – Impressions et tableaux des Tatras, La Jeune Pologne.
Aujourd’hui, le Musée des Tatras est probablement le plus grand musée régional de Pologne, avec neuf antennes à Zakopane et dans la région, trois départements, ethnographique, histoire naturelle et art, et une grande bibliothèque spécialisée.